· 2 sites-pilotes en expérimentation depuis 2 mois
· Les ruraux représentent 42% de la population
· Des résultats déjà extrêmement probants
Ain Dfali ;30km de Ouezzane sur la route de Fes |
Aïn Dfali, sur la route de Ouezzane, à la frontière entre le nord du Maroc et la région du Gharb. Comme tous les mercredis, se tient ici le souk hebdomadaire de la région. Abderazzak, commerçant, 44 ans, attend impatiemment l’arrivée de la Banque Populaire. Aujourd’hui est un grand jour, il a décidé d’ouvrir un compte bancaire pour son fils de 17 ans qui prendra la relève de son commerce. Il voudrait ainsi l’initier à la banque et lui verser une belle somme d’argent. Par la même occasion, Abderazzak souhaite profiter de la présence de la Souk Bank pour ouvrir un compte à sa femme et son employée de maison. Il tient à ce geste symbolique pour les valoriser en leur permettant d’avoir une carte monétique.
Toujours sur la route ou dans les souks, Abderazzak n’a pas le temps de se rendre en ville pour aller à la rencontre d’un banquier. Depuis deux mois, sa vie a changé avec l’arrivée de la banque mobile. En effet, pour la première fois, l’administration et les opérations bancaires se rapprochent de ses affaires. Pour montrer sa reconnaissance et encourager les équipes de la Banque Populaire très impliquées dans ce chantier, Abderazzak est devenu prescripteur de son propre chef. Il est accompagné ce matin par son beau-frère, commerçant également, propriétaire d’une librairie, et la semaine prochaine, il a promis de venir avec le président d’une association d’oliviers de la région non bancarisée. De futurs clients pour la Banque Populaire!
Il est 06h30 du matin, le jour vient de se lever et la banque mobile s’installe alors à l’entrée du souk.
Les convoyeurs de fonds sont déjà sur place. Ils procèdent immédiatement à l’alimentation en billets du guichet automatique et de la caisse. Le véhicule s’ouvre, les agents sont prêts à accueillir la population. Très vite, les clients affluent. Malgré l’heure matinale, des transactions financières ont déjà eu lieu dans le souk et des marchands ont besoin de verser à la banque le produit de leurs ventes.
· Occuper les zones blanches
La situation d’Abderazzak met en lumière nombre de problèmes liés à la population rurale, dont le manque d’accès aux services bancaires et au crédit. Le projet de banque mobile lancé depuis août 2010 par la Banque Populaire est une expérience qui semble répondre réellement aux attentes de la population. Ses deux véhicules tout équipés ont permis à ses agents de se rendre dans des zones rurales isolées pour ouvrir des comptes bancaires, collecter de l’épargne et recevoir des demandes de prêts. Dans les trois prochaines années, 70 à 80 autres véhicules devraient entrer en service.
Pour la Banque Populaire, ce projet s’inscrit dans une démarche d’inclusion financière visant une population exclue jusqu’à présent du système bancaire. Pourtant, cette population mérite toute l’attention des banques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: selon les dernières données de l’Observatoire national du développement humain, les ruraux représentent 42% de la population en 2010, brasseraient 25% de la richesse nationale... Ce n’est donc pas un marché à négliger.
Pour le moment, le projet est en expérimentation. Deux sites-pilotes ont été choisis, il s’agit des régions de Rabat-Kénitra et d’El Jadida-Safi. Les travaux ont duré six mois seulement avant la mise en production des Souk Bank au niveau des sites-pilotes, en août 2010. Ainsi, la formalisation des modes opératoires, l’équipement des véhicules et leur mise en conformité, l’installation des infrastructures d’accès au système d’information de la banque,… ont pu être réalisés dans un délai très court grâce à la motivation des équipes. «Nous faisons un travail citoyen qui nous procure beaucoup de satisfactions», expliquent Samira Nasri et Mohammed Taoujni, membres de l’équipe projet et fervents défenseurs du concept de proximité bancaire. Pour la région de Rabat-Kénitra, ce sont six souks distants de moins de 50 km de la ville de Sidi Kacem qui ont été choisis. Chaque jour de la semaine (hormis le vendredi), le véhicule assure une présence dans l’un de ces six souks. Le village de Aïn Dfali en fait partie.
A travers cette opération, la Banque Populaire réaffirme ainsi sa vocation sociale: «Ce n’est pas un challenge, c’est une responsabilité», livre Noureddine Baroudi, directeur de la division de l’inclusion financière. «Nous sommes une banque citoyenne qui participe activement au développement économique et social du Maroc», ajoute-t-il.
· Développer les services financiers mobiles
Tahar est grossiste de boissons et fait la tournée des souks. La Souk Bank a également changé sa vie en lui apportant notamment un réel sentiment de sécurité. Chaque jour, son affaire l’amène à transporter sur lui des sommes importantes, entre 100.000 et 200.000 DH, en chèques ou espèces. Auparavant, il craignait fortement les voleurs.
La politique de proximité menée par la Banque Populaire lui permet désormais de déposer sa recette journalière avec l’assurance de la sécurité des transactions. Tahar a sollicité récemment deux crédits auprès de la Banque Populaire: un crédit immobilier pour compléter le financement de l’achat d’une maison ainsi qu’un crédit pour l’achat d’un camion. Il espère ainsi développer son affaire avec la contribution de son fils, Radoine.
Sans le soutien de la banque, Tahar est conscient qu’il n’aurait pas pu financer ses investissements. Il a particulièrement apprécié le rôle de conseil et de calibrage des échéances assuré par la banque. «L’argent de poche ne fait rien, l’argent de la banque permet de faire quelque chose, c’est un meilleur travail de l’argent», confie-t-il.
Dans la lignée de son père, Radoine est aussi client de la Banque Populaire. Lui s’intéresse beaucoup au futur et souhaite épargner. Les produits de bancassurance proposés répondaient à ses attentes. Il a même ouvert un compte épargne pour son fils d’un an!
Comme l’affirme Noureddine Baroudi, «notre volonté est de réussir à intégrer cette population dans un réseau bancaire spécifique qui tient compte de ses caractéristiques et de ses attentes». Par réseau bancaire spécifique, la Banque Populaire entend un réseau qui soit d’abord moins coûteux que le réseau bancaire classique et adapté aux besoins de ses clients. Pour réduire les coûts, la banque mise ainsi sur l’utilisation judicieuse des technologies les plus avancées. Parmi celles-ci: le mobile. En effet, même si la majorité de la population rurale est à faible revenu, elle est familiarisée à l’usage d’un téléphone mobile et donc potentiellement réceptive aux produits bancaires. Avec un nombre d’adhérents téléphonie mobile qui atteint actuellement plus de 27 millions d’abonnés, selon les dernières données de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), l’approche peut s’avérer porteuse.
Avec ce nouveau système, la transaction bancaire se fait en temps réel directement par texto, le client peut consulter sa transaction immédiatement au guichet automatique.
· Valoriser la population
La démarche du Groupe Banque Populaire a été particulièrement appréciée par la population. «Le premier jour où la banque mobile s’est installée à Aïn Dfali, le véhicule a été accueilli par les youyous des femmes», confie à L’Economiste un membre de l’équipe.
Sur place, la curiosité et l’intérêt de la population se font nettement sentir. Les relations sont conviviales, très amicales et le sentiment de confiance est ce qui frappe le plus. Abdelhamid, la cinquantaine, habite à Jorf El Melha, où se trouve pourtant une agence bancaire de la Banque Populaire. Il souhaite s’entretenir en toute discrétion avec un agent pour parler de la banque: procédures d’ouverture de compte, guichet local ou national, garanties prises pour un crédit,…. Abdelhamid a besoin d’être rassuré. En effet, il ne dispose pas encore de compte bancaire, mais réfléchit à un projet immobilier qui pourrait l’amener à franchir le pas. Les confidences de ce monsieur indiquent qu’il dispose d’une épargne assez conséquente qu’il voudrait verser auprès des agents de la Souk Bank. Compte tenu des montants en jeu, le chargé de produit l’oriente vers l’agence de sa ville pour lui éviter de transporter une telle somme sur 15 km. Mais Abdelhamid reviendra malgré tout vers la banque mobile, car c’est ici qu’il a pu franchir les barrières invisibles d’une agence bancaire et il se souviendra particulièrement de l’accueil.
En outre, les petites attentions accordées aux clients sont très appréciées: être accueilli par exemple par son nom, avec un guichetier qui connaît par cœur le numéro de compte de ses clients, plaît beaucoup. «Cela leur donne de l’importance, ils se sentent valorisés», nous rapporte un membre de l’équipe. La valorisation de la population passe également par la délivrance d’une carte monétique. Côté Banque Populaire, il y a une volonté affichée de donner confiance à cette population rurale à travers un message de clarté et de transparence. «Cette clientèle est prête à payer pour avoir un service de confiance. Nous avons conscience qu’il faut encore plus l’informer de ce fait sur les coûts des services: commissions,…», soulignent les équipes.
Pour l’ouverture d’un compte, seuls les justificatifs requis par la réglementation sont exigés (justificatif d’identité, justificatif de résidence, …). Pas de justificatifs du niveau du revenu ni de dépôt d’argent obligatoire. Les formalités sont simplifiées. L’agent sur place saisit les données du client, lui propose de disposer d’une carte monétique et lui fait apposer sa signature sur le formulaire d’ouverture de compte. Deux packages sont proposés dans la Souk Bank, le «Pack Al Hissab Chaabi» destiné aux populations à revenus modestes et le «Pack Populaire» pour les autres.
· Des tarifs raisonnables
Pour répondre aux besoins de la population rurale, la Banque Populaire a souhaité mettre en place des produits spécifiques qui tiennent compte des besoins réels de cette clientèle. Pour cela, la banque a d’abord cherché à abaisser ses coûts de transaction. Il en est ressorti une gamme de produits à faible coût, facile à comprendre et à utiliser. Ainsi, l’utilisation systématique des supports monétiques ou du mobile fait que les opérations coûtent près de 30% moins cher que les transactions «classiques», indique le management de la banque. «Ce gain se répercute sur la tarification de l’offre. Dans une démarche citoyenne, la marge prise par notre institution est très minime», explique Noureddine Baroudi.
Parmi les produits proposés, le client peut choisir un pack dédié qui comprend la délivrance d’une carte monétique. Dans ce cas, pas de chéquier ni envoi de relevés bancaires. Le client a toutefois accès à un relevé simplifié disponible au niveau des guichets automatiques. La banque précise que cette manière d’opérer est conforme aux dispositions réglementaires et ne semble nullement gêner les clients à faibles revenus. Par ailleurs, les coûts de tenue de compte sont très faibles, de l’ordre de 5 DH TTC par mois. Durant la période de lancement du programme, le pack dédié est gratuit. Pour les clients plus avertis, un package avec chéquier et envoi de relevés bancaires peut être proposé si leur situation le permet.
· Sécurité des transactions
Tout a été fait pour que les transactions se déroulent dans une sécurité optimum. Les véhicules sont blindés et équipés d’un dispositif de sécurité sophistiqué. En termes d’infrastructure informatique, ils sont dotés de la même plateforme qu’une agence bancaire classique avec un niveau de sécurité identique. Le transport de fonds est assuré indépendamment par une société spécialisée qui gère également le fonctionnement du guichet automatique. La sécurité du véhicule est assurée sur le site tout au long de sa présence. En plus du blindage du véhicule, les équipements sont à la pointe de la technologie en termes de sécurité: guichet des transactions doté de verres anti-émeutes, caméras de surveillance, système de géo-localisation, alarmes, etc.
Chaque banque mobile est équipée d’un guichet automatique ouvert à tous les porteurs de cartes bancaires, à partir duquel il est possible d’effectuer des opérations de retrait et dépôt d’argent ainsi que des opérations de change. Sur le côté droit du véhicule, une porte latérale ouverte permet l’accueil des clients par un chargé de produit, en toute confidentialité. La Souk Bank permet ainsi à sa clientèle d’effectuer les mêmes transactions qu’à partir d’une agence bancaire classique: ouvertures de compte, virements, demandes de crédit, souscription aux produits de la Banque Populaire...
· De premiers résultats très probants
Bilan de la matinée: 13 ouvertures de compte dont 80% avec dépôts, 560.000 DH de versements au niveau du guichet, quelques transactions en devises et une extension de facilité de caisse accordée. Il est certain que les résultats de ces banques mobiles donneront par la suite une idée au Groupe Banque Populaire sur les lieux d’implantation de ses futures agences.
Quant à Tahar, depuis l’acquisition de son camion, son affaire se développe sérieusement. Son fils Radoine envisage d’ailleurs de créer une société de négoce qui leur permettrait d’élargir leurs activités et, qui sait, de prospérer.
Dure journée pour les agents
SUR le terrain, l’équipe animée par Hassan Benjilali, directeur de la succursale BP de Sidi Kacem, met tout son dévouement au service de la population. Réveil à 04h du matin, pour un départ à 05h20 de l’agence de Sidi Kacem et une arrivée vers 06h du matin dans le souk. Et ce, six jours sur sept, du samedi au jeudi. Le véhicule doit normalement quitter le souk vers midi mais lors du reportage, l’équipe n’a pas semblé compter ses heures. Sur place, les qualités requises sont une belle dose de patience, une grande conviction et un zeste de citoyenneté. En effet, il faut d’abord éduquer la population à la banque, lui expliquer les modalités d’ouverture, les produits proposés, les heures et jours de présence dans les souks, les modalités de prises de garanties,…. «Je suis fier d’être sur le terrain et d’aider les gens», nous livre Abdelhak, chargé de produit. Lors du reportage, cette fierté s’est nettement ressentie à travers le charisme des équipes.
L'Economiste Edition électronique du 21/10/2010
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