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De l'art de la poésie à l'art de la traduction

Le recueil « Imi n'Ifri », du poète Mustapha Daou, traduit par Mustapha Kouara de l'arabe en français, a été dernièrement présenté à l'Espace Balzac à Kénitra.
 24.04.2011
Dans le domaine de la traduction littéraire, rares sont ceux qui arrivent à percer les mystères du texte original, notamment quand il s'agit du texte poétique. Grâce à sa parfaite maîtrise des subtilités de la langue de Molière et à son âme de poète, Mustapha Kouara a réussi le bel exploit de traduire de l'arabe en français le dernier recueil du poète Mustapha Daou « Imi n'Ifri », paru aux Editions Boukili.
Après avoir été présentée à la bibliothèque régionale de Kénitra, les passionnés de la magie du verbe ont pu assister à l'Espace Balzac à une rencontre consacrée à cette seconde naissance d'« Imi n'Ifri ». En présence de l'auteur du recueil original et devant un parterre d'intellectuels et d'artistes, le critique littéraire Rachid Souidi a procédé à une décortication de l'oeuvre traduite. Il a révélé à cette occasion que la poésie du XIXe et du XXe siècles avait cette particularité qu'il n'existe pas de poète qui ne soit pas traducteur à commencer par Baudelaire. Selon l'intervenant, agrégé de Lettres par ailleurs, la poésie est dans les langues et en même temps en dehors de toute langue. Il estime, en outre, que traduire n'est pas trahir mais négocier comme dirait Umberto Ecco, ce n'est pas reprendre mot à mot, mais monde à monde. « Dans cette perspective, souligne-t-il, il n'est pas bien de considérer les traducteurs, de la poésie surtout, comme des penseurs de mots, ce sont plutôt des penseurs d'âmes. La négociation du traducteur ne se fait pas avec le mot.

Il négocie avec les exigences du monde de départ pour arriver à un monde plus fidèle, donc loin de la lettre et de l'esprit. » S'agissant du recueil « Imi n'Ifri », Rachid Souidi qualifie le poète Mustapha Daou de Baudelairien et d'anti-platonicien, à complexité qui révèle son ouverture, d'où l'usage de l'informe, du désordre, de l'indéterminé et du nouveau. C'est le cadre, estime-t-il, de toutes les possibilités de déstructuration et de création. Le directeur de l'Espace Balzac de l'Institut français, Jean-Jacques Gatein a, pour sa part, rappelé que la poésie transmet plus d'émotions qu'elle ne fait passer des messages. A cet égard, il estime que le traducteur a réussi à garder le rythme et la musicalité de l'oeuvre origi¬nale, tout en entretenant le mystère. Une manière d'inviter le lecteur à réinventer avec le poète le sens.En traduisant « Imi'n Ifri », Mustapha Kouara s'est approprié, en quelque sorte le recueil, pour le présenter au lecteur, non pas sous forme de textes froidement traduits.

Il lui a ajouté une part de subjectivité et de sensibilité poétique pour en faire une oeuvre littéraire à part entière. On peut lire dans la préface des Bucoliques de Paul Valery : « Le poète est lui-même un traducteur d'une espèce singulière, qui traduit le discours ordinaire, modifié par une émotion, en langage des dieux.
Le travail de traduire, mené avec le souci d'une certaine approximation de la forme, nous fait en quelque manière chercher à mettre nos pas sur les vestiges de l'auteur ; et non point façonner un texte à partir d'un autre ; mais de celui-ci, remonter à l'époque virtuelle de sa formation, à la phase où l'état de l'esprit est celui d'un orchestre dont les instruments s'éveillent, s'appellent les uns les autres, et se demandent leur accord avant de former leur concert.
C'est de ce vivant état imaginaire qu'il faudrait redescendre, vers sa résolution en oeuvre de langage autre que l'originel. »
L'assistance a été tellement envoûtée par la magie des mots, du rythme et de l'ambiance qu'elle en a demandé plus, curieuse de découvrir l'oeuvre d'origine en arabe.

De l'expression artistique
On peut lire dans la préface de la traduction du recueil « Imi n'Ifri » qu'une forme d'expression artistique ne peut être esthétiquement séduisante que lorsqu'elle est comprise et envisagée dans des perspectives multiples, où elle manifeste une grande variété d'aspects et de résonances sans jamais cesser d'être elle-même. Le philosophe irlandais Edmund Burke a mis l'accent sur le pouvoir émotionnel des mots alors que le poète romancier allemand Novalis accorde une importance au pouvoir purement évocateur de la poésie devenue l'art du sens indéterminé et de la signification imprécise. La structure poétique du recueil de Mustapha Daou est, en effet, tributaire de l'émotion qui se dégage de ses poèmes. Certains pourraient comparer sa poésie à un fleuve dont la puissance du cou¬rant est déterminée par la morphologie du terrain.
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