Les ports du Nord. (Kénitra)

Le protectorat marocain / Réginald Kann
Le premier port qu'on rencontre en longeant du nord au sud le littoral do la zone française est celui de Kenitra, situé sur l'oued Sebou, à 17 kilomètres de la mer. C'est le débouché naturel du Rarb et de la vallée du Sebou, régions de pâturages et de cultures très riches, dont la valeur s'accroîtra considérablement lorsque les drainages, déjà commencés, auront amendé leur sol marécageux et extirpé les foyers de paludisme qui les rendent insalubres. Rien no s'oppose à ce que la belle plaine du Sebou devienne un jour l'équivalent de celle de la Mitidja, aux environs d'Alger. Les deux premiers centres de colonisa-
tion français s'y sont établis à Pctitjean et à Mechra bel Ksiri. Kenitra est aussi le port le plus rapproché de Fez et de Meknès, les deux grandes villes du nord de l'Empire, auxquelles le relie un chemin de fer à voie étroite et dont il absorbe de plus en plus le trafic au détriment do Larache et de Rabat. Cet ensemble de circonstances heureuses est un gage certain de rapide essor pour le port du Sebou. Ouvert au commerce en 1913 seulement, Kenitra pousse comme un champignon.

Je me souviens de mon premier passage à Kenitra, en 1911, avec la colonne de secours de Fez. C'était alors un site désolé entre le fleuve et la lisière de la forêt de Mamora, lande couverte de marguerites géantes et hébergeant un peuplement très dense de scorpions. Quatre murs marquaient l'emplacement de l'ancienne kasba ruinée.
Cette année, j'ai vu au même endroit une petite ville très affairée où plus de 200 lots de terrain ont été acquis par les négociants et les colons. Avec son quadrillage de rues et d'avenues, ses bâtiments publics, ses hangars, ses magasins, ses villas, Kenitra a fort bon air et donne l'impression que son rapide développement n'en est encore qu'à la première étape.
L'activité commerciale y est née spontanément à la suite de l'installation d'une base de ravitaillement militaire. On a dû se hâter de construire un appontement, puis un terre-plein et un quai de 250 mètres, le premier du Maroc où des vapeurs aient pu accoster. Ce ne sont encore que de bien petits vapeurs, car l'accès du port est rendu difficile par la barre et un seuil intermédiaire qui interdisent aux navires calant plus de 3m 50 de remonter le Sebou. Le projet en cours d'exécution consiste à creuser un chenal de 3m 80 à marée basse, puis de l'approfondir à 4m 60, de draguer le port, d'augmenter la longueur des quais et leur outillage.

Un programme du même genre fait l'objet d'une concession pour l'amélioration du port de Rabat, sur le Bou Regreg, dont l'embouchure est à une vingtaine de kilomètres de celle du Sebou. Les conditions locales comme la situation générale y présentent beaucoup moins d'avantages qu'à Kenitra. Le fleuve est étroit, peu profond, et les premiers travaux, maladroitement conçus, ont eu pour effet de l'ensabler dans des proportions assez inquiétantes.

Source:
Titre : Le protectorat marocain / Réginald Kann
Auteur : Kann, Réginald (1876-1925)
Éditeur : Berger-Levrault (Nancy)
Date d'édition : 1921


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