Dans son intervention hier, lundi 11 juin, à l’occasion de sa tournée dans la région de Kénitra, Nabil Benabdallah, ministre de tutelle, explique que «la population urbaine s’élève actuellement à 65%. Elle devrait atteindre les 75% à l’horizon 2030». Ce qui renseigne sur la forte pression qui continuera de s’exercer sur les centres urbains situés sur l’axe Kénitra-Casablanca, qui génèrent près de 45% du PIB et abritent 25% de la population.
- Manque de régulation, de coordination, de vision stratégique… les facteurs
- 13% des urbains vivent dans un habitat insalubre
Quel avenir pour les villes du Maroc? La question est d’une actualité brûlante. Elle s’impose avec les effondrements de maisons en série dans l’ancienne médina de Casablanca.
Le dernier en date remonte à samedi 9 juin. Le bilan est lourd: 3 morts, 8 blessés et des familles à la rue! Le quartier compte encore bon nombre d’autres constructions qui ne tarderont pas à s’effondrer. Or, «aucun texte de loi ne permet aujourd’hui d’évacuer une famille habitant un logement menaçant ruine !» affirme Abdelilah Laslami, directeur de l’Agence urbaine de Fès. En pratique, des auscultations sont effectuées pour chaque construction par le Laboratoire Public des Essais et des Etudes (LPEE). Un rapport final est ensuite remis aux autorités locales. Ces dernières se contentent pour leur part d’aviser les ménages concernés sur l’état de leur résidence. Si la famille décide de rester tout de même dans son logement à ses risques et périls, les pouvoirs publics n’ont aucune base juridique pour l’évacuer. Pour l’heure, aucune région ne dispose d’un recensement général des logements menaçant ruine. Un travail qui doit s’effectuer dans un laboratoire et non sur la base d’un recensement visuel.La catastrophe de Derb Lamaâzi à Casablanca est en fait symptomatique du développement anarchique des villes marocaines, de la corruption, la prolifération des constructions clandestines, le manque de régulation, les complicités… Une anarchie due à l’absence d’une vision stratégique pour le développement des villes. Aujourd’hui, le constat est que la politique d’urbanisation suivie jusqu’à présent a généré de graves dysfonctionnements sociaux, économiques et environnementaux. Des anomalies aggravées au cours des années 80 en raison du plan d’ajustement structurel, conjugué à la sécheresse. «Des centres urbains ont enregistré des taux d’accroissement démographique de 10% par an», rappelle Laslami. Les arrivées massives de populations rurales n’ont pas pu être assimilées par les grands pôles urbains du fait de l’insuffisance des structures d’accueil et des investissements en logement. Par conséquent, les zones urbaines comptent actuellement près de 1 million de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté. 13% de la population urbaine résident dans un habitat insalubre. Ce qui est à l’origine de l’apparition d’un certain nombre de phénomènes tels que l’économie informelle, le chômage, la dégradation des relations sociales… Sur le plan environnemental, 4,5 millions de déchets solides sont générés annuellement sans être traités. Pis encore, 500 millions de m3 d’eaux usées échappent chaque année au traitement. Autre dysfonctionnement constaté, l’étalement urbain des villes sans aucune maîtrise. D’où un sérieux déséquilibre entre le centre et les périphéries. D’ailleurs, si l’on prend le cas de la métropole économique, l’on trouve un centre-ville moderne, entouré de «grands villages», qui ne présentent aucune similitude avec Casablanca. Les constructions ressemblent à des «boîtes», sans aucun souci urbanistique ni esthétique. Une conséquence attribuée à la politique des lotissements qui s’est soldée par un échec cuisant. En effet, 70% des constructions au Maroc sont réalisées via l’auto-construction. Parmi elles, 80% de logements sont de type économique (R+2 à R+4). Chaque propriétaire construit selon ses moyens. D’où de graves déficits en infrastructures de base, équipements et autres services sociaux.
L’absence d’une politique urbaine maîtrisée peut également se traduire par un développement disharmonieux. Ainsi, par exemple, le formidable essor qu’a connu la zone appelée Triangle d’or à Casablanca au détriment d’autres quartiers commerciaux comme Mustapha El Mâani ou encore le Bd du 11 Janvier, aujourd’hui désertés. Ce qui représente un glissement du centre-ville. Dans son intervention hier, lundi 11 juin, à l’occasion de sa tournée dans la région de Kénitra, Nabil Benabdallah, ministre de tutelle, explique que «la population urbaine s’élève actuellement à 65%. Elle devrait atteindre les 75% à l’horizon 2030». Ce qui renseigne sur la forte pression qui continuera de s’exercer sur les centres urbains situés sur l’axe Kénitra-Casablanca, qui génèrent près de 45% du PIB et abritent 25% de la population.
Pour faire face aux nombreux défis, la tutelle compte lancer une grande étude avant de mettre en place un schéma directeur. L’objectif étant de renforcer l’armature urbaine à travers la revalorisation des villes moyennes, le renforcement des villes émergentes et la création de nouveaux centres urbains. «La nouvelle politique de la ville mettra à contribution les différents intervenants tels que les ministères, les élus, les autorités locales, les promoteurs immobiliers, les acteurs sociaux, la société civile…», explique le ministre. La politique de la ville devra aboutir sur une nouvelle approche, marquée par l’implication de tous les acteurs contribuant à fabriquer la ville. Jusqu’à présent, il n’existe aucune concertation ni vision globale entre les différents intervenants. Les Assises dédiées à la politique de la ville, prévues le 27 juin, ont pour objectif d’aboutir à une charte nationale de la ville. Tout porte à croire que l’on s’achemine vers la mise en place d’un comité interministériel pour assurer le suivi et la coordination de la mise en œuvre du nouveau référentiel de la politique de la ville au niveau national. La charte nationale sera déclinée au plan régional. La coordination des programmes pourrait être attribuée à une structure régionale sur le même modèle du City Manager dans les pays industrialisés.
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