L'immeuble effondré à KénitraLe dossier de l’affaire de l’effondrement de l’immeuble ayant fait 14 morts et 26 blessés à Kénitra en janvier dernier, n’est pas encore clos. L’examen de cette affaire en appel débute ce vendredi 17 octobre. Il devra connaître de surprenants rebondissements.
14 morts et 26 blessés. Tel a été le lourd bilan de l’effondrement, le 16 janvier dernier, d’un immeuble qui était en construction dans le cadre du projet Al Manal au quartier Oulad Oujih à Kénitra. Sur le lieu même de la catastrophe, le ministre de l'Intérieur avait alors insisté sur la nécessité de déterminer les responsabilités à tous les niveaux. Une enquête a été aussitôt ouverte par le parquet pour trouver et sanctionner les coupables. Parallèlement, les autorités locales ont mis sur pied une commission d’enquête, pour tenter de déterminer les causes de cette tragédie. Cette commission a été formée par la direction générale de l’urbanisme du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme et de l’inspection générale du ministère de l’Intérieur. Mais, de ses conclusions, personne n’en saura rien.Ce que l’on saura, près de quatre mois après la catastrophe, c’est que le tribunal de première instance de Kénitra a condamné respectivement à trois, deux ans et une année et demie d’emprisonnement, assorti d’une amende de mille dirhams chacun, Fayçal Wadii Senhaji, promoteur immobilier, Saïd Hajib, chef du bureau d’études qui s’occupait du projet, et Abdelkader El-Maâiti, chef de chantier. Avec eux, Rachid Lamghari Atilmsani (architecte), Abdelfettah Sabir (technicien au bureau d’études), Rachid Labiad (directeur technique dans une cimenterie) et Bouchaïb Assfiti (technicien) ainsi que Al-Abed Belkhiri (chargé de l’armature pour béton armé) ont écopé chacun d’une année de prison et d’une amende de mille dirhams. Tous étaient poursuivis pour homicide involontaire, blessures involontaires et non-respect des règles d’urbanisme et de construction. Une fois les condamnations prononcées, tout le monde croyait l’affaire du projet Al Manal à Kénitra terminée. Sauf que le véritable promoteur du projet, en l’occurrence Abdelaziz Wadii Senhaji, père du principal accusé, Fayçal Wadii Senhaji (qui n’avait agi que par procuration), avait aussi son mot à dire dans ce dossier. Après avoir été hospitalisé en France à la suite d’une attaque cardiaque qu’il a eue le jour même de la catastrophe, il révèle aujourd’hui, avec preuves à l’appui, qu’il a été victime d’une machination dont il ne parvient pas à percer le mystère. Des documents dont le Reporter possède copie, montrent clairement que le terrain de 4 hectares qui a été vendu à 40 millions de dirhams par Al Omrane à Abdelaziz Wadii Senhaji, n’était pas apte à recevoir des constructions. C’est ce que confirme un rapport établi le 15 août dernier par Jacques Faury, au terme d’une étude sur le site où devait être bâti l’immeuble effondré. Cet expert français qui avait supervisé la construction du barrage Loukkos du temps de Hassan II, ne fait que confirmer ce que montrent clairement d’autres documents administratifs dont certains datent de 1920. En effet, s’ils s’étaient donnés la peine de faire un petit effort de recherche, les services concernés auraient su que le terrain qu’ils devaient céder au promoteur, est situé sur Merja Bir Rami connu pour être l’endroit précis de rétention des eaux pluviales. A ce même endroit, il a été même question il y a près d’une vingtaine d’années de construire un barrage collinaire pour protéger toute la ville de Kénitra des inondations. De surcroît, le site se trouvait à seulement 6 mètres d’altitude, alors que dans les plans remis au promoteur, il était question de 12 m. En somme, tous les indicateurs montrent qu’il était impossible que le projet commercial et résidentiel de 330 appartements prévu dans le cadre de l’opération Al Manal, puisse être construit sans s’effondrer. Et pourtant, toutes les autorisations nécessaires ont été remises au promoteur, avec la bénédiction du Wali de Kénitra et de tous les services concernés. Pourquoi ? C’est la justice qui devra trouver les vraies réponses à cette question. Surtout que le promoteur affirme qu’un premier terrain, visiblement sans problèmes, lui avait été promis, avant qu’il ne soit remplacé par le terrain de la catastrophe.
Autre énigme
Le chantier du centre commercial Al Manal avait reçu trois visites de la commission de contrôle le long des six mois ayant suivi le lancement des chantiers. Les rapports d’inspection ne faisaient mention d’aucune anomalie. C’est ce que révélait, après la catastrophe, Adib Alaoui, directeur de l’urbanisme au ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. Pourquoi personne n’a rien vu ? C’est là une autre question qui reste posée, surtout que pour ce genre de projets, la commune, l’agence urbaine, la wilaya et la préfecture accordent un premier feu vert au projet déposé par l’architecte. Un accord de principe est ensuite signé et l’étude technique peut commencer. Un bureau d’études ficelle le projet et s’assure qu’il respecte tous les règlements. Les documents sont alors soumis à la municipalité qui les fait aussi vérifier par un bureau de contrôle engagé par le promoteur. Les travaux ne peuvent commencer qu’après validation.
Attention, l’immeuble Al Manal n’est pas le seul
« Il y a toute une série d’immeubles qui sont identiques à celui de Kénitra et personne n’en sait rien. Il suffit de faire les calculs et faire les vérifications techniques pour se rendre à l’évidence », avait déclaré au Reporter Abdelmajid Choukaily, directeur du bureau de contrôle Tesco, dans le cadre d’un dossier préparé à la suite de l’effondrement de l’immeuble d’Al Manal. Ce responsable ne parlait pas dans le vide, tout près de l’immeuble effondré, des lotissements auraient été vendus par milliers principalement à des MRE. Si tel était réellement le cas, une enquête devra être ouverte pour éviter le pire.
Les membres des familles des victimes manifestent
Le 9 octobre, les familles des victimes de l’immeuble effondré ont organisé un sit-in devant le tribunal de première instance de Kénitra. Ayant appris que la version des faits qui avait été admise jusque-là, pourrait ne pas être la bonne, ils réclament aujourd’hui que toute la vérité soit faite sur cette affaire et que tous les responsables concernés paient pour leur crime. Selon nos informations, de hauts responsables pourraient être appelés à la barre dans le cadre de l’examen de l’affaire en appel.
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