Rien ne va plus pour le seul port fluvial que compte le Maroc. Ouvert en 1913, le port de Kénitra est fermé à la navigation depuis vendredi dernier. Officiellement «pour manque de profondeur». «Mais sans aucun préavis», précise un responsable de l’agence maritime Marbar, qui opère au port de Kénitra. Pour cette entité, pas moins de 3 bateaux ont été affrétés et fixés sur des dates précises. L’un d’entre eux est déjà en rade dans l’attente de prendre une cargaison de 2.000 tonnes de pâte à papier. Les deux autres, totalisant 4.900 tonnes, sont attendus pour le 24 mars. Or, pour chaque journée d’attente, le consignataire doit débourser la bagatelle de 3.000 euros. De fait, signale Khalid Doumou, président de l’Association des agents maritimes, transitaires et aconiers (AAMTA), l’outil portuaire est au chômage technique depuis bientôt deux mois. Autrement dit, depuis que les lâchers des eaux de barrages sont devenus systématiques avec les fortes pluies qui se sont abattues sur la région du Gharb. «Phénomène qui n’a fait qu’exacerber une situation intenable depuis 2006, date du lancement de la réforme portuaire», renchérit Mohsine Bennani, directeur général du Consortium industriel et commercial du Maroc. Celle-ci, on le sait, devait se traduire par la cession au privé de toutes les activités commerciales dans l’objectif d’introduire la concurrence à bord et à terre. Mais aussi de promouvoir l’investissement privé afin de renforcer la capacité de traitement du trafic. Seulement si la réforme a pratiquement été bouclée pour certains ports, notamment celui de Casablanca, le statu quo demeure la règle pour l’outil fluvial. Plus grave encore, l’autorité portuaire, l’Agence nationale des ports, intervient toujours dans les domaines de la manutention et d’aconage. «En somme, ce port fait figure de laisser-pour-compte de la réforme portuaire», résume un armateur. A tel point que sa situation est jugée dramatique car résultant d’une lente agonie. Au-delà, deux handicaps majeurs distinguent ce port. Il y a d’abord un déficit gravissime d’équipements. Les quatre grues en place tombent constamment en panne. Et leur réparation est souvent supportée par les sociétés privées. De fait, ces engins constituent le reliquat d’un lot de 7 grues offertes par le port de Marseille en 1957. Matériel déjà usité outre-mer, faut-il noter au passage. Depuis, pas de nouvelles acquisitions. L’autre contrainte tient au manque du personnel. En tout, l’outil portuaire compte 5 agents (grutiers, conducteurs de tracteurs et élévateurs). Alors que le service était assuré par 25 personnes avant l’opération départs volontaires. Et les retraités n’ont pas été remplacés ni le service concédé. Pourtant, c’est l’objectif n° 1 de la réforme. «Résultat, dès que deux bateaux se présentent au port, on doit attendre 3 à 5 jours», relève Bennani. Pour cette entreprise tout comme pour la Société marocaine de manutention et d’affrètement, le manque à gagner est de taille. Mais le volet social l’est encore plus. Près de 200 emplois permanents se trouvent déjà sous la menace d’un chômage longue durée et autant de travailleurs occasionnels. Car personne n’avance une estimation quant à la durée que prendront les travaux de dragage. Contacté par L’Economiste, le directeur général de l’Agence nationale des ports est resté injoignable. Or ce dragage n’a pas été fait depuis deux années. A cela s’ajoutent les boues, branchages et tout ce qui a été charrié par les pluies diluviennes vers l’embouchure du fleuve, situé à 17 km du port. C’est à ce niveau que se situent les points critiques de la navigation fluviale. Autrefois balisé, ce passage est aujourd’hui impraticable de nuit. «Les bateaux ne peuvent en effet entrer ou sortir du port qu’à la clarté du jour. «D’où la désaffection de nombreux armateurs qui ne veulent plus desservir le port de Kénitra», constate un pilote marin. Du coup des sociétés de manutention et d’aconage ont suivi le mouvement. Sur les 11 sociétés qui s’y activaient avant 2006, il en reste actuellement deux. Le trafic qui avait atteint en 1986 le pic d’un million de tonnes a été réduit au cinquième de ce volume actuellement. Il concerne pour l’essentiel l’activité de la Cellulose du Maroc tant à l’import qu’à l’export. Entreprise qui va être obligée d’orienter son trafic vers le port de Casablanca. Cela va se traduire par le traitement de plus de 100.000 tonnes à l’export et un peu plus à l’importation. C’est dire les pertes, en termes de compétitivité, que doit supporter cette entité.
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