Entretien avec Hafida Aarab, directrice de l'Agence urbaine de Kénitra /Sidi Kacem : «L'agence Urbaine contribue au rehaussement de la qualité urbanistique et architecturale de la ville»

Publié le : 21.02.2005

Kénitra est l'une des villes du Maroc qui a le plus souffert ces deux dernières décennies d'une urbanisation non maîtrisée frôlant l'anarchie. La Ville a failli perdre son âme et son cachet architectural. Une prise de conscience commence à prendre forme,

Madame Hafida Aarab, directrice de l'Agence urbaine de Kénitra /Sidi Kacem est consciente des défis à relever pour donner à la ville de Kénitra la place qu'elle mérite. Son professionnalisme, son dynamisme, son franc parler et son optimisme nous rassure.

La ville de Kénitra citée jadis comme un modèle en matière urbanistique et architecturale est victime depuis un certain temps d'une urbanisation à outrance, qui semble ne plus respecter le cachet architectural de la ville et qui porte gravement atteinte à sa mémoire. Quelles sont les mesures prises par l'Agence urbaine de Kénitra-Sidi Kacem pour mettre un terme ou du moins à atténuer cette tendance néfaste ?

Effectivement la ville de Kénitra a une histoire urbaine intéressante. Jouissant d'une situation géographique et topographique avantageuse, le site de Kénitra fût choisi par le Maréchal Lyautey en 1912 pour y construire le futur port fluvial, sachant que l'histoire d'occupation de ce site n'a pas débuté seulement à la période coloniale mais bien avant. Ce fût un passage obligé de toute route reliant la Chaouia au nord du Maroc et le débouché naturel de la vaste plaine du Gharb et de tout son hinterland vers Fès et Meknès.

Depuis, la ville de Kénitra a connu un essor économique qui concurrençait celui de Casablanca ; mais qui aujourd'hui commence à s'estamper en raison de la régression des activités portuaires et à de la délocalisation de grandes unités industrielles vers d'autres villes beaucoup plus compétitives.

l'Agence Urbaine de Kénitra-Sidi Kacem, de par ses attributions et ses prérogatives en matière d'urbanisme et d'architecture n'a, depuis sa création en 1998, épargné aucun de ses efforts pour mettre en valeur ce patrimoine historique en prenant en considération l'évolution actuelle et future de la ville.

Outre, le plan d'aménagement de la ville de Kénitra homologué au mois de mars 2004 servant de code référentiel par l'encadrement et l'orientation de l'urbanisation de cette ville, l'Agence Urbaine a initié, en collaboration avec la Fondation M'chiche Alami, une étude de portée dite étude de réhabilitation de la médina de Kénitra visant la revalorisation du tissu ancien de la ville chargé d'une grande histoire.

De même, cette Agence a participé, de concert avec les autorités et les instances locales concernées, à l'identification des bâtisses et constructions datant de l'époque coloniale présentant une qualité architecturale et historique afin de procéder à leur classement en tant que monuments historiques.

Par ailleurs, l'agence Urbaine participe activement aux côtés de la Commune Urbaine de Kénitra et des Autorités Locales à tout projet d'aménagement permettant de rehausser la qualité urbanistique et architecturale de la ville pour la rendre plus attractive et plus compétitive.

Certains quartiers de la ville souffrent d'un manque criard d'infrastructures de base, d‘espaces socio-éducatifs, d'espaces de jeux et d'espaces verts. Avez-vous pensé à remédier à cette situation ?

Tout d'abord, je tiens à préciser que l'urbanisation future d'un secteur ou d'une partie de la ville est encadrée par un document d'urbanisme qui prend en considération des programmations en matière d'équipement et d'habitat réalisées sur la base de projections pragmatiques. Toutefois, en raison de la forte demande en logements, ces nouvelles zones d'urbanisation se densifient sans pour autant que la réalisation des équipements suit ce rythme accéléré de construction. Il s'agit surtout d'un problème de synchronisation des programmations et de non disponibilité des moyens nécessaires pour assurer une mise en œuvre cohérente.

Les autorités chargées de la lutte contre l'habitat insalubre ont procédé à la signature du contrat programme pour l'éradication des bidonvilles au niveau de la ville de Kénitra, où en est ce programme?

Kénitra peut s'enorgueillir d'être l'une des premières villes au niveau national qui a signé, le 15 septembre 2004, le contrat «villes sans bidonvilles». La cérémonie de signature a été présidée par MM le Ministre chargé de l'Habitat et de l'Urbanisme et le Wali du Gharb-Chrarda-Béni Hssen. Tous les projets contenus dans ce programme sont en cours de réalisation. L'Agence urbaine suit avec une attention particulière la réalisation de ces projets. Les travaux d'avancement de ces projets ont franchi d'importantes étapes.

Plusieurs joyaux architecturaux de la ville se sont dégradés au fil des années alors que d'autres ont tout simplement disparu. Quelles sont les mesures prises par l'Agence urbaine pour pallier à cette situation le moins qu'on puisse dire inacceptable ?

Il a été procédé ces derniers temps au lancement de la procédure de classement des anciennes constructions ayant une grande valeur historique et architecturale au niveau de la ville de Kénitra en tant que patrimoine national. A l'instar de l'horloge murale qui a été sauvée in extremis et classée en vertu du décret du 21 janvier 2004, une trentaine de bâtisses ont été répertoriées et sont en cours de classement.

Le dossier du patrimoine architectural de la ville de Kénitra a fait l'objet de plusieurs réunions et de profondes discussions au siège de la Wilaya et en présence des responsables de la Commune Urbaine de Kénitra et de la Délégation du Ministère de la Culture. Une exposition de photos du patrimoine architectural de la ville a été organisée dernièrement avec la participation de la Wilaya, de l'Agence Urbaine, de la Faculté des Sciences de Kénitra et de l'Institut français de Kénitra–Espace Balzac.

Cette exposition, qui s'est étalée du 25 novembre 2004 au 15 janvier 2005, a permis de sensibiliser l'ensemble des acteurs locaux sur l'importance du classement de ces anciens bâtiments et sur la nécessité de préserver l'identité architecturale de la ville de Kénitra.


Par Propos recueillis par Driss Lyakoubi | LE MATIN