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Terres collectives:L'injustice continue

Les Soulaliyates demandent à ce que les autorités locales leur accordent le droit d'accès à ces terrains publics.
Elles se sont déplacées de contrées lointaines pour venir défendre leur cause devant une pléiade de responsables, représentants de médias et militants associatifs. Elles, ce sont les Soulaliyates ou "les femmes des terres collectives" qui se sont rendu à la conférence organisée par l'association démocratique des femmes du Maroc vendredi dernier à Rabat.
Ces femmes paysannes appartenant à différentes régions du Royaume se sont rendues à Rabat (certaines pour la première fois) pour réclamer leur droit aux terrains collectifs dits «d'El joumoua».
Profitant du soutien de ladite ONG, elles étaient une centaine de femmes jeunes et âgées à avoir fait le déplacement pour faire entendre leur voix. «Ces femmes demandent à ce que les kaids et les responsables puissent leur accorder le droit de pouvoir accéder à ces terrains publics qui jusqu'aujourd'hui ont été exploités uniquement par les hommes selon la tradition», souligne Rabiaa Naciri, membre de l'ADFM. En effet, issues de tribus très anciennes, les familles ont
exploité ces terrains de père en fils. Néanmoins, les familles n'ayant pas de progéniture de sexe masculin ont été à fur et à mesure exclues de cette opération. Cette «coutume» qui s'est installée a été également appliquée aux femmes veuves. Rappelons que l'histoire de ces terres «ethniques» remonte au dahir du 27 avril 1919 décrété pour régir les terres collectives (aradi al joumoua). Ce dahir avait rendu ces terrains inaliénables, insaisissables et imprescriptibles grâce à une protection juridique effective par un statut foncier.

Parallèlement, une tentative de "traditionalisation" de ces collectivités a été faite au travers d'un "Règlement de partage" fixant uniformément et égalitairement les règles d'accès à la terre. La démarche de cette création institutionnelle s'est basée sur un système d'analyse qui confond normes et habitudes. Les pratiques des paysans du bled jmaâ étaient en réalité fort diverses et se caractérisaient par la cœxistence de plusieurs registres de légitimité. L'objectif de cette procédure était de retenir la paysannerie à la campagne pour limiter l'exode rural et les dangers de l'urbanisation.
Ainsi, des dizaines de millions de paysans marocains ont pu vivre depuis des lustres de leurs terres collectives, certes dans des conditions météorologiques et infrastructurelles en dessous du minimum vital, mais ils ont pu assurer quand même leur indépendance grâce à ces terres qui ont été dotées d'un statut spécifique. «Les femmes quant à elles étaient exclues depuis le départ de ce processus. Certes, elles faisaient la majorité du travail, puisqu'elles cultivaient les terres avec les hommes parallèlement aux autres tâches qu'elles devaient assurer, notamment l'éducation des enfants et les charges du foyer, mais la tradition faisait que ce sont les hommes qui récoltaient le fruit de leur travail.
En effet, qu'elles soient des femmes ethniques ou non, elles n'ont jamais eu le droit d'exploiter ces terres jusqu'aujourd'hui et ce malgré les avancées que connaît le Royaume en matière de droits de l'homme», souligne une militante associative. Actuellement, les terres collectives ou encore Bled Jmaa sont en voie de disparition. En effet, une tendance nette est apparue au Maroc au début des années 1990 en faveur de la privatisation de ces terres et ce à cause de l'épuisement du foncier utile dans les villes. Placés sous l'autorité du ministère de l'Intérieur, ces terrains ont été cédés à plusieurs investisseurs marocains notamment le groupe immobilier Addoha et Al Omrane. Quant aux paysans, ils ont reçu des indemnités sous forme de lots de terrains et de sommes d'argent. Selon l'ADFM, les femmes ont été encore exclues de cette opération.
Le dossier a connu toutefois un dénouement relatif depuis que le ministère de l'Intérieur a reconnu le droit des femmes à bénéficier des terres collectives. En effet, le 23 juillet 2009, le départementde tutelle a adressé au wali de la région du Gharb-Chrarda-Beni Hssen une circulaire l'invitant à inscrire les femmes dans les listes des ayants droit au même titre que les hommes pour pouvoir bénéficier des terres en cours de cession. Mais malgré la reconnaissance de ce droit, la décision du ministère a été confrontée aux mêmes oppositions du passé. Dans certaines jmaates, les responsables (caids et parlementaires) ont exigé aux femmes de reproduire le document du ministère de l'Intérieur, tandis que dans d'autres, les Nouabs ont imposé leur propre lecture de la circulaire du ministère en instaurant de nouvelles conditions qui ont entretenu l'exclusion des femmes de bénéficier de leur droit.
«Nous ne pouvons plus accepter cette injustice. En ce qui concerne la commune de Aïn Cheguag Sefrou, toutes les femmes se trouvent dans la même situation. Seuls les hommes ont pu vendre leurs terrains. Dans certaines familles comme la mienne, les hommes se sont enrichis et ont pu construire des maisons alors que leurs propres sœurs, mères ou filles vivent toujours dans la même misère. C est insupportable», réclame Laaziza Inouch de la commune Aïn Chegag, l'une des femmes protestataires.
En effet issues de différentes tribus notamment Guiche Loudaya, Aïn Cheguag, Jmaa de Guelmima et autres, ces femmes comptent aller jusqu'au bout dans leur combat et ne seront pas d'ailleurs prêtes à baisser les bras pour bientôt.

Carte de visite
L'Association démocratique des Femmes du Maroc est une association féministe, autonome, à caractère politique dans le sens où elle vise l'intérêt stratégique des femmes et non pas seulement l'intérêt immédiat. Aussi, la proximité, dans la conception de l'ADFM, a une portée pédagogique fondamentale de sensibilisation et de renforcement des capacités des femmes et s'inscrit dans la dynamique du développement et non pas du caritatif. Ainsi parmi les objectifs de cette ONG, la garantie de l'égalité juridique, notamment au niveau du statut personnel et tout autre texte de loi, l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes et des fillettes et la promotion d'une image positive des femmes dans la société.
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