Home » , , » Pour créer une entreprise dans une petite ville, la femme doit s'armer de courage et de patience

Pour créer une entreprise dans une petite ville, la femme doit s'armer de courage et de patience

Najia Ouazzani Taybi, présidente de l'association «Entre Elles Gharb» des femmes chefs d'entreprise de la région du Gharb
Le Matin : Comment est née l'idée de création d'une association des femmes-chefs d'entreprise de la région du Gharb ?
Najia Ouazzani Taybi : Notre association a été créée en 2010. Elle est le fruit d'une formation organisée au Centre régional d'investissement (CRI) de Kénitra en partenariat avec l'Agence nationale pour la promotion de la petite et moyenne entreprise (ANPME) et la Coopération technique allemande (GIZ). À l'issue de cette formation, on nous a proposé de créer un cadre qui puisse réunir des femmes-chefs d'entreprise. Nous avons accueilli favorablement cette proposition, d'autant plus que cette région manque d'associations capables de nous accueillir.

Quelle est la nature des problèmes auxquels sont confrontées les entreprises créées par des femmes au niveau du Gharb ?
On ne peut pas dissocier une entreprise de son environnement. Tout d'abord, le Gharb est une région à vocation agricole et à dominante rurale. Le milieu où évolue une entreprise féminine à Casablanca, à titre d'exemple, est différent de celui d'une petite ville ou d'une bourgade de la région du Gharb. Les conditions de travail ne sont pas les mêmes et les facteurs socioculturels changent d'une région à une autre. Pour créer une entreprise dans une petite ville ou dans un centre rural, la femme doit s'armer de courage et de patience. Elle doit aussi disposer d'une forte personnalité pour créer un équilibre entre son milieu professionnel et sa vie privée. On a constaté que, dans certaines entreprises, des travailleurs n'arrivent pas encore à changer leur regard sur la femme, fussent-elles chefs d'entreprise. Ils ont toujours cette perception machiste et en décalage avec l'évolution du pays.

Comment évaluez-vous les relations avec vos partenaires institutionnels ?
De manière générale, nous avons des liens étroits avec nos partenaires institutionnels. D'ailleurs, l'ANPME et le CRI de Kénitra nous ont soutenus pour la création de l'association «Entre Elles Gharb» des femmes-chefs d'entreprise juste après le stage effectué en 2010. Cependant, suite à d'autres formations dispensées à d'autres groupes de femmes-chefs d'entreprise au niveau régional par nos deux partenaires, des associations portant le même nom ont été créées. On aurait aimé que tous ces groupes qui ont été formés rejoignent notre association pour qu'on puisse conjuguer nos efforts et parler le même langage. Il est même souhaitable que les partenaires aient devant eux un seul interlocuteur au lieu d'avoir des voix discordantes. Au début, notre objectif était le réseautage.

Quelles sont les activités en faveur des femmes-chefs d'entreprise que vous avez organisées au niveau régional depuis la création de votre association ?
Nous avons déjà organisé en 2011 une rencontre sur le thème «Vers une entreprise modèle» en présence de responsables du CRI, de l'ANAPEC (Agence nationale pour la promotion de l'emploi et des compétences), de la délégation régionale ministère du Commerce et de l'industrie, de banques et d'autres partenaires. Nous avons aussi organisé récemment une rencontre intitulée «Stratégie de développement et d'accompagnement des petites et moyennes entreprises» en collaboration avec l'ANPME et le CRI de Kénitra. Elle a été animée par des responsables de l'ANPME, de la CCG (Caisse centrale de garantie) et de banques. Nous organisons en outre des réunions mensuelles où nous accueillons des experts du domaine de l'entrepreneuriat et des responsables du tissu associatif concerné. C'est une opportunité pour nous d'être au fait des dernières évolutions dans le domaine de l'entreprise. Nous avons aussi programmé la création d'un club de formation dédié aux femmes ayant exprimé l'intérêt de créer leur propre entreprise.

Que pensez-vous des programmes de financement visant l'amélioration de l'entreprise, notamment féminine ?
L'accessibilité au crédit est le talon d'Achille de l'entreprise marocaine. Il y a des gammes de produits développés par l'ANPME pour appuyer et accompagner la petite et moyenne entreprise. Il y a aussi la CCG qui, en principe, contribue à donner une impulsion à l'initiative privée en encourageant la création, le développement et la modernisation des entreprises. Malheureusement, le financement des entreprises se heurte souvent à des conditions bancaires draconiennes. Certaines banques demandent des garanties et imposent des taux d'intérêt qui constituent un frein à l'esprit d'initiative. Je connais des entreprises créées dans le cadre du programme «Moukawalati» qui se trouvent actuellement dans un marasme, alors qu'on leur avait promis monts et merveilles au début. On trouve souvent un grand écart entre le discours et la réalité.

Quel regard portez-vous sur l'élection de Meriem Bensalah Chaqroun à la tête de la CGEM ? S'agit-il d'une véritable révolution au niveau de l'entreprise marocaine ?
Le choix de Meriem Bensalah Chaqroun à la présidence de la CGEM est très significatif, pas uniquement pour la femme marocaine, mais pour la société marocaine tout entière. C'est l'aboutissement naturel de femmes ayant réussi à accéder aux grands postes de responsabilité grâce à leurs efforts et à leur combat aux côtés d'hommes épris d'équité et de solidarité. Nous ne pouvons qu'être fières de la femme marocaine qui a déjà fait ses preuves dans les différents domaines de l'activité humaine. Puisqu'on parle de l'entreprise féminine, j'ai eu l'occasion d'entendre plusieurs témoignages d'hommes ayant exprimé leur satisfaction de travailler dans des entreprises gérées par des femmes. Je pense que ce débat sur la femme dans l'espace public est derrière nous. Le Maroc a pris le choix irréversible de la modernité et de la démocratie.

Quid du programme «Entre Elles en région» ?
Le programme «Entre Elles en région», qui a été conçu dans un cadre régional, impliquant dans sa mise en œuvre les réseaux régionaux de modernisation des entreprises dans les quatre régions bénéficiaires, à savoir : Meknès-Tafilalet, Souss-Massa-Draâ, Gharb-Chrarda-Beni Hssen et Doukkala-Abda, est l'un des programmes phares du volet appui à l'entrepreneuriat féminin de l'ANPME. Il a été lancé en octobre 2009 dans le cadre d'une convention tripartite entre l'ANPME, les Centres Régionaux d'Investissement (CRI) et le programme d'appui aux très petites, petites et moyennes entreprises de la Coopération technique allemande (GIZ).
Ce programme a été mis en place dans le but de soutenir et d'accompagner ces femmes-chefs de très petites et petites entreprises en phase de post-création, à travers des ateliers de formation et de coaching individualisés dans les différents domaines de la gestion d'entreprise : marketing et commercial, gestion et organisation, management et développement personnel, comptabilité et fiscalité, informatique et coaching personnalisé au sein des entreprises.

Share this article :

Aucun commentaire :